Le dialogue, ce n'est pas possible !

   Et pourquoi ?
   Parce qu'il faudrait, à la fois, écouter et parler.
   Mais, dit-on, rien de plus facile ! Chacun son tour !

   Quand j'écoute, j'écoute. Je suis tout attention à ce que dit l'autre, je ne l'interromps pas, je le laisse aller au bout de ce qu'il veut dire, j'essaie de le comprendre et quand je ne comprends pas, je ne juge pas aussitôt que ce qu'il dit est stupide.
   Quand je parle, c'est avec netteté, franchise, sans arrière-pensée, sans me censurer pour ne pas déplaire. Moi aussi, je vais au bout de mes pensées. J'affirme sans timidité ce que je crois vrai. C'est respecter autrui, l'estimer bienveillant et capable d'entendre, que de me tenir ainsi en vérité devant lui.

   Soit. Mais il faut tout de même un minimum d'accord pour que les dialoguants puissent dialoguer.
   Difficulté : si ce minimum est trop bas, le dialogue devient mou, on partage des banalités. Mais si on place la barre trop haut, le dialogue commence par exclure "ceux qui ne pensent pas comme nous". Mauvais début.
   Mais il y a une issue à cette difficulté : c'est de se mettre d'accord… sur le dialogue lui-même. Pleine liberté, à chacun, de penser ce qu'il pense et de le dire aussi fortement qu'il le peut ; mais reconnaissance, par chacun, des strictes conditions qui séparent le dialogue de toute violence.

   Voilà le problème résolu.
   Pas du tout.
   Car, déjà, il est vrai qu'on maintient l'exclusion de tous ceux qui refusent ces conditions. Ça va fort loin. Et quelles sont-elles au juste ? Et comment traiter les accès de violence, visibles ou masqués, qui peuvent gâcher la sérénité nécessaire ? Etc.

   Mais surtout : jusqu'où vont les divergences entre celles et ceux qui sont là ? Divergences visibles ou secrètes, là aussi. Que se passe-t-il quand elles atteignent, chez tel ou tel, ce qui pour lui est vérité, vérité essentielle, sur laquelle on ne peut transiger ? L'accord « sur le dialogue » mène en ces régions-là – sauf à le maintenir dans des zones moins dangereuses.

   Mais c'est manquer ce qui précisément en faisait le prix : créer la paix entre les humains, là où ils se sont entre-tués et persécutés au nom des grandes Vérités censées leur donner… la paix.

   Où il apparaît que l'accord sur le dialogue n'est pas une solution, c'est le lieu même de la question. Car c'est un accord désiré – et c'est considérable. Mais s'en approcher, c'est sans doute inviter chacun à modifier radicalement son rapport à ce qu'il croit pour que ce qu'il croit ne soit pas en fait principe de violence ; et conjointement, à accepter que le dialogue ne soit pas un lieu de facilité tranquille, mais plutôt celui où la violence la plus dangereuse est affrontée, sans que jamais on ne s'y laisse emporter.


   S'avancer par là, c'est entrer dans un espace de relation différent de celui qui nous est trop souvent coutumier.

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